Le réalisateur britannique Kenneth Branagh se remet en scène en tant qu’Hercule Poirot dans son nouveau long-métrage : Mystère à Venise.
Les œuvres d’Agatha Christie vont retrouver le grand écran dès le 13 septembre 2023. En effet, après avoir adapté Le Crime de l’Orient-Express (2017) et Mort sur le Nil (2022), Kenneth Branagh continue sur sa lancée avec Mystère à Venise. Comme dans le roman original intitulé La Fête du Potiron, nous rejoindrons l’emblématique détective belge à Venise, alors qu’il tente de profiter de sa retraite bien méritée. Néanmoins, l’appel du mystère ne se fait pas attendre. Au cours d’une séance de spiritisme, à laquelle il a accepté de participer dans un palazzo réputé hanté, l’expérience tourne rapidement au cauchemar lorsque l’un des participants est sauvagement assassiné. Nous suivons ainsi Poirot dans son enquête afin d’élucider ce mystère, qui mettra sans cesse dos à dos sa rationalité et son pragmatisme au monde du surnaturel et de l’occulte. En ce qui concerne le casting, nous retrouvons le réalisateur Kenneth Branagh dans le rôle principal, comme dans les deux derniers films. Ce dernier partage notamment l’affiche avec l’actrice française Camille Cottin, dans le rôle d’Olga Seminoff.
Hercule Poirot et Hollywood, un mariage réussi ?
D’un côté, nous voyons que les thèmes présents dans les œuvres d’Agatha Christie sont préservés, même amplifiées dans ces adaptations cinématographiques grâce à des changements pertinents. En effet, l’écrivaine est reconnue pour son humanisme, son exploration des valeurs morales universelles, ainsi que son ouverture aux sciences humaines, notamment la psychologie. Par exemple, dans Le Crime de l’Orient-Express, l’adaptation revisite le personnage du Colonel Arbuthnot en le transformant en un ancien colonel et médecin noir, qui a dû surmonter de nombreux obstacles pour atteindre son rang. Cette modification renforce d’abord la prémisse de l’œuvre, qui insiste sur le fait que des individus aux rangs, nationalités et profils sociaux très divers se retrouvent comme par hasard dans le même train et la même rangée de cabines. Enfin, elle accentue grandement le thème de la solidarité dans le crime. De ce film est née la citation « Il y avait le bien, le mal, maintenant il y a vous », une phrase qui résonne avec la question des valeurs morales explorées par l’auteure.
Cependant, il a fallu que ces changements pertinents aient été accompagnés de scènes d’action typique d’Hollywood, dont on aurait franchement pu se passer. L’essence des enquêtes d’Agatha Christie réside dans sa capacité à créer de fausses pistes crédibles et des sous-intrigues subtiles, maintenant le lecteur en alerte lors des témoignages et des connexions logiques établies par Hercule Poirot. Malheureusement, Le Crime de L’Orient-Express part dans la facilité en cédant à la tentation des courses-poursuites pour engendrer ces éléments, ce qui constitue une superficialité qui nuit aussi bien à l’adaptation qu’à l’œuvre originale. Mort sur le Nil souffre des mêmes défauts. Poirot, normalement très calme et mesuré, n’hésite plus à recourir aux armes pour se faire entendre ou faire pression, ce qui dénature les scènes de tensions. Si dans les livres elles étaient essentiellement basées sur des révélations, les films les orchestrent surtout par des face-à-face, armes en main.
Enfin, les adaptations de Kenneth Branagh montrent clairement une volonté de rendre Poirot plus humain, alors qu’il est plutôt excentrique, parfois froid, mais toujours très poli dans les livres. Pour cela, Mort sur le Nil nous présente un flashback de son passé pendant la guerre et offre même une histoire à son emblématique moustache. Cependant, cette approche du personnage crée une réelle dissonance avec sa version originale, et fait perdre à certains moments clés leur symbolique. Nous le voyons dans la dernière scène de Le Crime de l’Orient-Express, où la décision finale du détective belge, qui reposait sur une remise en question de ses valeurs morales fondamentales dans le livre, devient un simple choix basé sur son ressentiment et ses émotions dans le film. En somme, bien que les œuvres de Branagh proposent des perspectives différentes de celles d’Agatha Christie, elles n’apportent rien d’aussi ou plus pertinent que les travaux dont ils s’inspirent…
Si les deux premières adaptations n’ont pas su être à la hauteur du défi, reste à voir si Mystère à Venise changera la donne.