Akira Toriyama nous a quittés, mais son œuvre est toujours présente. Hommage à un grand mangaka qui aura marqué les esprits.
C’est le 8 mars 2024 que la tragique nouvelle a été révélée au public. Le compte officiel X de la franchise Dragon Ball a annoncé le décès de son créateur, Akira Toriyama, survenu le 1er mars 2024 due à une hémorragie sous-durale. Sa disparition à l’âge de 68 ans a profondément ébranlé l’industrie du manga, ainsi que le monde de la pop culture où Toriyama a laissé une empreinte indélébile. Les réactions qu’a suscitées cette nouvelle témoignent d’ailleurs de l’importance capitale d’Akira Toriyama dans le paysage culturel contemporain. Ainsi, revenons sur la vie, les œuvres et l’impact d’un mangaka qui a marqué son époque.
Avant le succès, de multiples échecs
Akira Toriyama est né le 5 avril 1955 à Nagoya, au Japon. Après avoir achevé ses études secondaires, Toriyama décide de ne pas s’engager dans des études supérieures et entame sa carrière professionnelle en tant qu’illustrateur au sein d’une agence de publicité. Deux années plus tard, il décide de démissionner. Dans la foulée, il saisit l’opportunité de participer à un concours organisé par la Shueisha afin de se faire un peu d’argent. Cet événement marque le début de son aventure dans l’industrie du manga.
À partir de là, Akira Toriyama se lance dans une multitude de projets. Tout commence avec sa participation à un concours organisé par la maison d’édition Shueisha en 1977, où il propose Awawa World. Cette histoire comique met en scène un choc culturel entre le Japon féodal et notre époque contemporaine à travers deux samouraïs et un superhéros moderne aux allures de Superman. Cette œuvre ne parvient pas à trouver son public et figure un échec. Par la suite, il présente Mysterious Rain Jack publié dans Monthly Young Jump de juin 1978, une parodie de l’univers Star Wars qui n’est malheureusement pas retenue en raison de problèmes de droits d’auteur.
Cependant, encouragé par Kazuhiko Torishima (éditeur du magazine à l’époque), Akira Toriyama alors âgé de 23 ans persévère dans cette voie. C’est ainsi que voit le jour sa première œuvre publiée dans le Weekly Shonen Jump de décembre 1978, intitulée Wonder Island. Ce One Shot met en avant une sorte de Tarzan évoluant dans un univers complètement loufoque, qui connaîtra d’ailleurs une suite en janvier 1979, toujours dans le même univers. Encore une fois, c’est un échec auprès des lecteurs.
C’est bien avec Inspecteur Tomato d’avril 1979 que Toriyama fait un premier pas significatif vers le succès. Cette œuvre suit les aventures de la jeune détective Tomato au sein d’une équipe d’enquêteurs masculins, créant ainsi plusieurs décalages comiques. De plus, les personnages sont conscients qu’ils évoluent dans un manga, permettant à Tomato de repousser les limites à chaque occasion pour susciter le rire du lecteur, rendant l’œuvre totalement imprévisible.
Vous l’aurez compris, tous ces projets partagent un point commun : l’attrait d’Akira Toriyama pour les œuvres humoristiques. Ce dernier ne trahira pas cette spécificité lors de la consécration de toutes ses tentatives en 1980 avec son premier grand succès : Dr. Slump.
Dr. Slump pour la concrétisation
Dr. Slump est la première grande œuvre d’Akira Toriyama, publiée de 1980 à 1984 au sein du Weekly Shonen Jump. En France, le manga est édité par Glénat et bénéficie d’une édition Ultimate de 15 tomes. L’intrigue nous transporte dans le quotidien d’un robot nommé Aralé et doté de l’apparence d’une enfant de 13 ans. Ce personnage a été conçu par Senbei Norimaki, également connu sous le nom de Docteur Slump. Le scientifique a l’idée de présenter sa création comme étant sa petite sœur afin qu’elle puisse s’intégrer pleinement à la vie du village Pingouin.
Dans l’univers du Weekly Shonen Jump, Akira Toriyama parvient à insuffler du changement artistiquement parlant. C’est ce que souligne le compte X Sandman, un fervent lecteur japonais du Weekly Shonen Jump depuis les années 80. Il démontre, en comparant la Une du magazine une semaine avant la sortie de Dr. Slump et la semaine suivant sa sortie comment le mangaka a immédiatement captivé les lecteurs de l’époque grâce à un style novateur, rompant avec les conventions établies et élevant ainsi les normes artistiques de l’industrie.
Au niveau narratif, Dr. Slump est salué pour son humour absurde qui transcende les normes du magazine de l’époque. Avec des personnages qui incarnent de véritables archétypes de la caricature, des situations, des dialogues et des réactions aussi extravagantes les unes que les autres, une déconstruction constante des tropes narratifs conventionnels, et un univers loufoque rempli d’anachronismes, nous nous trouvons immergés dans un monde où la logique est sans cesse remise en question. Le lecteur est donc plongé dans un tourbillon de surprises et de rires. Ce mélange audacieux de la part de Toriyama lui aura valu de remporter le prix Shōgakukan en 1982 dans la catégorie Shonen. Mais nous sommes loin d’avoir atteint le pic de la carrière du mangaka, puisqu’après la fin de Dr. Slump, un certain Dragon Ball fait son apparition.
Le carton mondial avec Dragon Ball
Après la conclusion de Dr. Slump en 1984, Akira Toriyama a rencontré un succès mondial retentissant avec Dragon Ball. Le manga s’inspire largement de la Chine, prenant comme principale source d’inspiration La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en. Dans cette épopée, nous suivons les aventures du jeune Son Goku, équipé de son bâton magique et de sa queue de singe. Accompagné de la jeune Bulma, il se lance dans un périple visant à retrouver les 7 Dragon Balls. Tandis que Bulma a pour motivation de demander à avoir un fiancé, Goku souhaite assouvir sa curiosité quant au fameux dragon. L’œuvre continue de s’appuyer sur les qualités de Toriyama, surtout l’aspect comique en orchestrant des personnages caricaturaux dans un univers vaste et coloré. Le tout, saupoudré d’arts martiaux.
Par la suite, la saga Dragon Ball Z qui poursuit les aventures de Goku s’éloigne progressivement de l’aspect comique pour mettre en avant les arts martiaux, adoptant un ton plus sérieux. Cependant, le génie narratif de Toriyama reste indéniable, entre son découpage intuitif et sa manière captivante de raconter l’histoire à travers des arcs mémorables. Ces éléments ont non seulement captivé les lecteurs, mais ont également propulsé le manga vers des sommets en termes de ventes. Selon diverses sources, Dragon Ball s’est écoulé entre 250 à 350 millions d’exemplaires dans le monde, répartis sur 42 tomes.
Après l’anime Dragon Ball GT, c’est à travers Dragon Ball Super que la franchise fait son retour sur le format papier. Sous la supervision d’Akira Toriyama, le mangaka Toyotaro prend les commandes du dessin. Ce dernier est un grand fan qui s’est notamment illustré avec le fan manga Dragon Ball AF. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que Dragon Ball et ses personnages emblématiques tels que Goku, Vegeta, Piccolo ou Gohan pour n’en citer que quelques-uns sont solidement ancrés dans le paysage de la pop culture contemporaine.
Un acteur majeur dans le monde des JRPG
Akira Toriyama a exercé une influence significative dans l’univers des jeux vidéo en tant que designer. En effet, son style artistique et son imagination débordante ont joué un rôle crucial dans la genèse de plusieurs franchises de franchises à succès.Parmi elles se trouve Dragon Quest, la célèbre série de JRPG qui s’est écoulé à plus de 80 millions d’exemplaires dans le monde. Du premier opus de 1986 à Dragon Quest XI de 2017, Toriyama a apporté sa contribution dans les charas designs et figure donc un pilier de l’identité visuelle de cette célèbre saga.
Au-delà de son engagement avec Dragon Quest, Toriyama a également laissé sa marque sur la série Chrono Trigger de 1995. En endossant le rôle d’artiste principal et de designer de personnages, il a créé les figures emblématiques de la saga telles que Crono, Marle, Frog, Magus, et Lucca. Ainsi, il contribue à l’esthétique et à l’attrait du jeu qui lui ont valu son succès à travers les opus.
De multiples hommages pour Akira Toriyama
Lors de la mort d’Osamu Tezuka en 1989, père de l’industrie manga, le mangaka avait qualifié Akira Toriyama d’artiste « presque trop bon » et voyait en lui un « héritier présumé », comme le rappelle l’internaute X Matt Alt qui a vécu l’événement à l’époque. Toriyama déclarait alors que sans le travail de Tezuka, il ne serait pas l’artiste qu’il est devenu aujourd’hui. Désormais, c’est au tour de la nouvelle génération d’honorer Toriyama avec leurs œuvres.
Ainsi, l’industrie du manga s’est recueillie au sein du livre de condoléances de la Shuiesha afin d’adresser un message à Akira Toriyama et lui rendre hommage. Grâce au Thread X de l’auteur Ludovic Gottigny, il est possible de les retrouver en français. Parmi les personnes qui se sont exprimées, nous retrouvons entre autres Eiichiro Oda, Masashi Kishimoto, Yusuke Murata ou encore Tite Kubo.
Les hommages ne se limitent pas au monde du manga. Que ce soit dans celui du jeu vidéo, du cinéma, du sport et surtout le grand public : tout le monde a pu partager des souvenirs et témoignages liés aux créations du mangaka. Il laisse derrière lui un héritage inestimable pour la pop culture.
Merci, Akira Toriyama.