Alors que Prince of Persia: The Lost Crown s’apprête à rythmer notre début d’année 2024, intéressons nous à l’histoire derrière cette franchise emblématique.
Aux origines de la saga Prince of Persia se trouve un homme : Jordan Mechner. Ce dernier débute sa carrière de programmeur très tôt (à l’âge de 15 ans) et sa passion pour les jeux vidéo l’amène naturellement à la conception d’opus vidéoludiques. Dès l’université, il développe son premier titre intitulé Karateka en 1984 sur Apple II. Ce jeu de combat en 2D de type beat-them-all parvient à s’écouler à 500 000 exemplaires, avant de faire l’objet d’un remake en novembre 2012 disponible sur Xbox Live Arcade, PlayStation Network et Steam. Quoi qu’il en soit, c’est bien ce premier succès qui a pavé la voie vers son projet suivant : Prince of Persia.
Inspiré par les films Indiana Jones et les contes des Mille et Une Nuits, Jordan Mechner a pour ambition d’allier exploration et résolution d’énigmes de l’un au cadre historique et riche folklore de l’autre. Cette association prend alors la forme d’un jeu de plateforme avec l’aide de son frère qui contribue aux animations et celle de son père à la musique. Cette histoire de famille se concrétise à la sortie du premier opus de Prince of Persia en 1989, toujours sur Apple II. Malgré l’échec commercial du départ, lié à la transition de l’industrie vers des machines plus puissantes et à une concurrence rude, le jeu finit par devenir un succès en s’exportant à l’international et grâce à sa version améliorée sur Macintosh (1992). C’est le début d’une des sagas les plus mythiques du monde vidéoludique.
Une première trilogie qui ne cesse d’innover
Dès son premier opus, la franchise Prince of Persia a marqué un tournant majeur dans l’histoire du jeu vidéo. Le tout, grâce à l’approche innovante de son créateur Jordan Mechner en ce qui concerne l’animation. Effectivement, le programmeur a décidé de faire appel à la technique de la rotoscopie, qui consiste à produire des séquences animées en dessinant par-dessus un modèle filmé en prise de vue réelle. Ainsi, Mechner a enregistré son frère en train de réaliser plusieurs actions physiques comme sauter, grimper ou encore courir. Ces séquences ont ensuite posée les bases de l’animation du jeu.
Avec un rendu fluide et réaliste inédit pour les jeux vidéo de l’époque, Prince of Persia parvient à offrir à ses joueurs une expérience unique et immersive. Ceci, avec un scénario mettant en scène un prince persan (le joueur) dont le but est de sauver la princesse retenue captive par le vizir Jaffar. Nous disposons d’une heure pour parcourir le palais et battre les ennemis qui se présentent afin de vaincre Jaffar et libérer la princesse.
Quatre ans après le premier du nom (1 an après sa version Macintosh), Prince of Persia s’offre un second opus intitulé Prince of Persia 2: The Shadow and the Flame. Prolongeant le scénario du premier, nous retrouvons le prince après s’être marié à la princesse. Néanmoins, ce dernier doit refaire face à Jaffar qui, après avoir usurpé son identité, parvient à renverser son royaume et plonger la princesse dans un long sommeil. Ainsi, il s’engage dans une nouvelle aventure pour récupérer son trône et retrouver la princesse.
Après avoir séduit ses joueurs visuellement grâce à son animation, la franchise vise désormais à les captiver narrativement. Plusieurs initiatives sont mises en œuvre afin d’atteindre cet objectif, à commencer par l’ajout d’un doublage vocal dans le jeu. La voix off enrichit le récit tout en y apportant une dimension de « conte », évoquant ceux des Mille et Une Nuits dont la saga s’inspire. Ce doublage intervient également pour les personnages, leur donnant plus de profondeur au niveau leur personnalité et renforce notre engagement dans l’histoire. Enfin, le scénario fait l’objet d’une grosse attention, surtout sur le prince que nous incarnons. Toute une intrigue est développée sur ses origines, on apprend donc à mieux le connaître et à le faire passer du statut d’avatar du joueur à un personnage clé de son univers intéressant à suivre.
Le troisième opus de 1999, Prince of Persia: 3D (ou Prince of Persia: Arabian Nights) marque le passage révolutionnaire en 3D. Cette avancée entend allier le sentiment d’innovation visuelle du premier opus à la profondeur scénaristique apportée par le second. Dans cette aventure, le prince affronte Rugnor, un homme jadis promis à la princesse. Refusant de voir qu’elle ait choisi un autre, Rugnor cherche à éliminer le prince pour prendre sa place. La narration atteint son plein potentiel grâce aux cinématiques et au doublage vocal qui permet à Jordan Mechner de raconter son histoire avec plus d’éléments à sa disposition.
Malgré son environnement et une exploration plus approfondie, couplé à un système de combat avec davantage de mouvements et de type d’armes, le contexte financier dans lequel le jeu s’est retrouvé l’a poussé à être commercialisé avec pas mal de problèmes. Entre autres, la présence de bugs qui influent sur la jouabilité et des soucis de caméra. Ces éléments ont naturellement eu un impact négatif sur sa réception critique et commerciale. Néanmoins, ce qui aurait pu marquer une sortie par la petite porte pour la franchise a été repêché par un studio : Ubisoft.
Une franchise revitalisée grâce à Ubisoft
La saga Prince of Persia aurait pu s’arrêter là, mais c’est sans compter sur l’intérêt d’Ubisoft qui décide de relancer la machine. En effet, le studio fait l’acquisition de la licence grâce à son rachat de The Learning Company en mars 2001. Nous assistons alors à la naissance de la seconde trilogie de la franchise intitulée Sables du Temps, supervisée par le producteur Yannis Mallat, qui rompt avec la précédente via un reboot total. Le premier jeu de cette série est Prince of Persia: The Sands of Time sorti en 2003.
Il introduit un nouveau prince qui, après avoir accidentellement libéré les sables du temps, cherche à réparer son erreur en rembobinant les événements avec l’aide de la princesse Farah. Le jeu se distingue par une nouvelle mécanique inédite dans la série : la capacité de remonter le temps grâce à la dague que possède le prince. Fidèle à l’esprit de la franchise, The Sands of Time combine platforming, combats et énigmes, le tout dans un environnement en 3D. En somme, le jeu parfait pour réintroduire la saga avec une aventure riche en rebondissements et révélations. À noter qu’un remake de cet opus très apprécié des fans est prévu.
Un an plus tard, Prince of Persia: Warrior Within (2004) continue sur cette lancée en conservant les éléments clés qui ont fait le succès de son prédécesseur. Le joueur accompagne le prince dans une quête sur l’île du Temps pour détourner son destin, compromis par le démon Dahaka. Cet opus se distingue de ses grands frères par une approche moins linéaire, privilégiant l’exploration et le parkour, ce qui procure une sensation de liberté inédite pour les personnes habituées aux précédents jeux. De plus, le système de combat s’améliore grâce à la possibilité de manier deux armes en même temps pour offrir plus de créativité à nos affrontements.
Après avoir exploité la capacité de remonté dans le temps, c’est celle de le ralentir qui nous permet d’avancer dans l’intrigue et résoudre les énigmes qui se posent à nous. Tout ceci est couplé à une narration plus mature avec des thèmes comme le destin et la fatalité au cœur du propos, le tout dans une ambiance plus sombre et brutale. Avec ce jeu, Prince of Persia continue d’atteindre de nouveaux sommets sous Ubisoft.
Cette trilogie Prince of Persia par Ubisoft a clairement connu son apogée avec le dernier opus du trio intitulé Prince of Persia: The Two Thrones (2005). En effet, ce jeu a su intégrer les éléments les plus réussis des deux premiers titres tout en y apportant sa propre originalité qui le distingue des deux autres. À ce stade, la franchise un sommet encore jamais atteint. Tout comme l’indique son titre, The Two Thrones brille par la manière dont il s’articule autour de la notion de dualité, et ce dans chaque aspect du jeu. La principale se trouvant dans la relation entre le prince et son alter ego, le dark prince.
Cette incarnation corrompue du héros ne se contente pas de jouer un rôle clé dans le scénario, où le prince est sujet à des mutations physiques et morales. Elle enrichit également le gameplay en introduisant un nouveau style de combat vertical et dynamique via les capacités du dark prince, équipé de sa queue de poignard et de sa lame-fouet, contrastant avec le style corps-à-corps du prince auquel nous sommes habitués. Notons aussi l’arrivée des acrobaties et des assassinats furtifs, ponctuées par des affrontements spectaculaires face aux boss du jeu. La dualité s’exporte dans les environnements qui renouent d’ailleurs avec le thème de l’orientalisme qui s’était un peu perdu dans l’opus précédent. En effet, la cité haute et la cité basse qui rythment nos aventures offrent une diversité visuelle très agréable. En somme, le pinacle de la franchise.
Malheureusement, c’est avec le reboot de Prince of Persia en 2008 que la saga connaît une petite perte de vitesse. Bien que doté de graphismes captivants et d’un univers fascinant, il s’est visiblement beaucoup trop éloigné de l’essence des jeux originaux pour parvenir à accrocher les fans. Par la suite, Ubisoft a tenté de revenir aux racines de la série avec The Forgotten Sands en 2010, qui en plus de revenir à la formule de la seconde trilogie offre de nouveaux éléments de gameplay axés sur les pouvoirs élémentaires. Cependant, ses graphismes jugés en dessous des autres opus, sa simplicité vivement critiquée et plus globalement son manque de prise de risque lui portera préjudice. Néanmoins, Ubisoft n’en a pas fini avec la franchise et mise sur le renouveau pour le retour en grande pompe de sa franchise, 13 ans après le dernier jeu.
Un nouveau souffle porté par The Lost Crown
Ubisoft a annoncé lors du Summer Game Fest 2023 le lancement d’un nouveau jeu Prince of Persia, intitulé Prince of Persia: The Lost Crown. Ce jeu indépendant des autres opus met en scène le personnage de Sargon. Ce dernier est un guerrier du clan des Immortels qui s’engage dans une mission de sauvetage après avoir été envoyé par la Reine pour retrouver son fils disparu, le prince Ghassan. Sa quête le conduit au Mont Qaf, un lieu frappé par une malédiction temporelle où le passé et le futur coexistent, transformant les habitants en monstres. Notre rôle sera donc de surmonter tous les obstacles pour sauver le prince et accomplir notre tâche.
Les ambitions des créatifs d’Ubisoft avec Prince of Persia: The Lost Crown sont claires : proposé un jeu vidéo qui, tout en respectant l’héritage de la franchise bâti durant la première trilogie, propose aux joueurs une approche innovante du genre pour voir la franchise sous un nouveau jour. Ainsi, le gameplay renoue avec les anciens opus en se présentant comme un jeu de plateforme aux allures d’un metroidvania en 2.5D. Cette opération s’appuie sur l’expertise des développeurs d’Ubisoft Montpellier qui ont pu travailler sur les titres Rayman, nous garantissant une expérience de plateforme authentique, mais aussi moderne. En parallèle, une autre connexion se trouve dans le thème du temps de la seconde trilogie qui revient se greffer au scénario.
Tout ceci est enrichi par le cocktail classique de combats, d’exploration et d’énigmes auquel la saga nous a habitués. En effet, ce monde semi-ouvert favorisera les allers-retours pour débloquer de nouvelles zones et donc enrichir notre expérience. Enfin, le jeu rend hommage à ses racines orientales en exploitant tout un pan de la mythologie perse. Dans cette optique, nous aurons la possibilité de retrouver des éléments inspirés de Persépolis ou de la forêt iranienne durant notre long périple. Pour accompagner tout cela, rien de mieux qu’une bande-son envoûtante des mains de Gareth Coker, compositeur sur les jeux Ori and the Blind Forest et Ori and the Will of the Wisps. Vous l’aurez compris, nous sommes face à une multitude d’initiatives prometteuses qui établissent un lien profond avec l’essence de la trilogie originale.
À propos du gameplay, l’utilisation du temps est bien de retour afin de résoudre des énigmes et éviter les pièges sur notre route. Cependant, nous ne serons plus les seuls à maîtriser cet art dans la mesure où nos ennemis en seront également capables. Il est donc fait mention de nouveaux aspects à maîtriser comme la gravité, apportant de la complexité au gameplay qui manquait aux deux derniers titres de la franchise. Notons enfin qu’un système d’amulette à équiper fait son arrivée et devrait nous permettre de créer notre propre build. Allié à la manipulation du temps et de l’espace, le jeu promet d’être aussi bien créatif dans nos affrontements face à des boss variés que dans les phases de puzzles, avec en prime de beaux effets visuels.
Les premières previews de la presse vidéoludique s’accordent pour dire que Prince of Persia: The Lost Crown est un jeu prometteur pour la saga à laquelle elle appartient. Notamment JV qui nous décrit un jeu qui « n’a pas hésité à prendre des risques avec une série mythique qui existe depuis 30 ans », tandis qu’IGN parle d’un titre au « combat et au platforming qui semblent avoir des bases solides et stimulantes ». Par la suite, les critiques officielles se sont dévoilées et le constat est sans appel : c’est un franc succès ! Du côté du public, le jeu parviendra-t-il à trouver l’équilibre entre la formule originale et les nouveautés insufflées à la saga ?
Prince of Persia: The Lost Crown sera disponible à partir du 18 janvier 2024 sur PlayStation 5, PlayStation 4, Xbox Series X|S, Xbox One, Nintendo Switch et PC.